[...] J'observe le papa du propriétaire perché sur une échelle, occupé à la mise en forme de l'une des branches d'un résineux avec du fil de cuivre. Il lui prodigue les mêmes soins qu'à un bonsaï. [...] Il travaille avec une telle méticulosité, une telle dextérité, avec le regard débordant d'une telle générosité que j'admire son travail dans le plus grand silence refoulant les questions qui affluent sur mes lèvres de crainte de perturber cette communion entre l'homme et son arbre. [...] 

[...] Cette présence m'éblouit. Je la quitte le cœur bercé par une douce quiétude. Après quelques pas je me retourne, elle n'a pas bougé de place. Elle accompagne ma progression de ses petits yeux ensoleillés. Elle me fait signe de la main avec ce sourire si éclatant de joie de vivre qui semble ne jamais la quitter. Il y a comme ça des rencontres fortuites et éphémères imprégnées d'une douceur poétique qui restent à jamais gravées dans notre for intérieur et qui sont une source intarissable de bonheur. [...]

[...] Départ à 6h15, le fond de l'air est agréablement frais. [...] Le chemin qui grimpe vers Yokomine-ji est considéré comme le plus difficile de tout le parcours des 88 temples sacrés. Une sérénité profonde et un bonheur délicieux me transportent à cette heure-ci du matin, tout juste quand la fraîcheur apportée par la nuit est rattrapée doucement par l'ardeur du maître des astres. [...]

[...] Les habitations deviennent éparses, puis disparaissent complètement. La route perd de sa largeur et pénètre en pente douce dans des gorges dont les flancs couverts de forêts grandioses s'élèvent. Je longe le lit imposant d'un torrent au débit réduit. [...]

[...] Une petite voix intérieure me stimule et je passe outre les douleurs physiques, la soif, la difficulté de l'instant; je passe successivement de la vitesse tortue à celle d'escargot, puis à celle de limace. Je dérape plusieurs fois, je me cramponne de toutes mes forces à la corde, je fais un pas et un autre, puis une pause, je me hisse lentement en grimaçant et ainsi de suite jusqu'à quitter ce passage extrêmement laborieux. [...]